il est là, juste là. Je ne respire plus, le lynx est là, devant moi.

Nous sommes fin février. Bien que fraîche, la journée s’annonce radieuse. Et cela sera une journée affût-forêt. Mon sac est prêt, il pèse son poids, l’attente risque d’être longue. Batteries de réserve, deux thermos de thé chaud, des tonnes d’habits, un matelas mousse pour mes petites fesses, un bouquin pour l’attente, un trépied et mon matos photo, tout semble y être. Lever de bonne heure, de très bonne heure. Ça pique un peu quand même, je ne regrette pas le surplus d’habits. Premier bout de route en voiture chauffage à fond, les villages de la plaine du Rhône sont encore endormis. Ma Wrangler m’emmènera jusqu’au bout de la route forestière. La suite c’est à pied et ça grimpe.

Pourquoi aujourd’hui et pourquoi là ? Aujourd’hui parce que j’ai toute la journée de libre et que j’ai un bon pressentiment, il faut se fier à son instinct parfois. Pourquoi là, parce que durant le maigre hiver que nous avons eu à ces altitudes j’avais aperçu des traces qui pouvaient être celles du lynx. Mais je ne m’y connais pas assez pour être sûr à 100%. Objectif du jour, rejoindre une petite clairière que j’avais repérée, qui se trouve bien plus loin mais à la même altitude des traces aperçues. J’y crois sans y croire, j’espère au minimum y voir des chevreuils (je ne le verrai pas :-).

On attaque la montée à pied, ça grimpe sec, pas de route forestière, pas de chemin pédestre, rien, je ne croiserai personne c’est certain. La forêt est dense et abrupte. Je m’accroche aux branches des feuillus pour grimper à certains endroits. La descente… on y réfléchira plus tard. Je traverse quelques ravines bien pentues, les bâtons ne sont pas de trop pour m’assurer. Petit sms à Mamy pour lui indiquer ma position il serait dommage de laisser trainer un Sony A1 dans la nature si je venais à dérocher :-).

J’arrive enfin sur place et j’ai beaucoup moins froid après cette rude montée. Un petit bosquet me permet d’installer un affût assez spacieux afin d’y passer quelques heures. Cordelettes, filets de camouflage, quelques pinces à linge, la mise en place est rapide lorsque tu as déjà repéré l’endroit.

Bien installé, je me change complètement, le vent de montagne refroidit passablement l’atmosphère. Mais l’emplacement est parfait, la vue est bien dégagée et je suis face au vent, pour l’instant… L’attente commence, il est 6h30, le soleil pointe son nez sur les sommets avoisinants. Petite lecture des journaux sur mon Iphone, un ou deux petits scroll sur Insta. Le temps passe… lentement. Je rêve, j’espère, la forêt et la clairière dans laquelle je me trouve sont truffées d’excréments de chevreuils. Vont-ils sortir devant mon objectif ?

L’attente se poursuit, je sors mon Lonely Planet sur la Norvège, destination de nos prochaines vacances. Je suis plongé dans mon livre, mais garde un oeil attentif sur le boîtier, il serait dommage de rater un passage d’autant que tout va souvent très vite. Une heure, puis deux, puis quatre, puis sept. J’ai largement fini mon bouquin.

Il est déjà 13h, mais, sur ma gauche dans les fourrés d’épineux, j’entends du bruit. Puis plus rien, puis à nouveau. Le rythme cardiaque s’accélère, je ne bouge plus.

Et là, soudain, il est là, juste là, devant moi, le lynx est là. Je respire plus. La surprise est telle que je ne parviens pas à faire d’image. Je sors mon oeil de l’objectif et je l’admire, c’est un première pour moi, je n’avais jamais eu l’occasion d’apercevoir le lynx, ce magnifique félin sauvage et très discret.

Première visualisation des images sur le boîtier du Sony A1

Il avance tranquillement sans stress, passe derrière un épineux, en ressort et s’arrête. Je suis fébrile mais j’ai repris mes esprits. Je plonge mon oeil dans le Sony A1 et shoote en rafale.

Lynx Valais, Suisse. © Bastien Molk

L’émotion est intense, mes mains tremblent. Le vent a changé et le thermique fait son oeuvre, il est impossible qu’il ne me sente pas. C’est le cas, il m’a senti, il s’arrête et tourne son regard en direction de l’affût. J’ai l’impression qu’il me fixe droit dans les yeux, je suis comblé. Il reste là quelques instants, me laissant le temps de peaufiner les réglages de mon boîtier. Quel grand seigneur.

Lynx Valais, Suisse. © Bastien Molk

Puis, tranquillement il poursuit son chemin me gratifiant d’un superbe profil. Je le vois encore traverser la clairière puis s’enfoncer doucement dans l’épaisse forêt avoisinante.

Lynx Valais, Suisse. © Bastien Molk
Lynx Valais, Suisse. © Bastien Molk

Quelle émotion, quelle rencontre. Toutes les rencontres sont belles, mais celle-là a une saveur toute particulière au vu de la difficulté à apercevoir ce majestueux félin, d’autant plus chez moi en Valais.

La pression descendue, j’uploade quelques images sur mon téléphone pour m’assurer de la qualité, ouf elles sont nettes. Je vais rester encore quelques heures sur place à profiter du soleil et de la tranquillité du coin.

A la descente, deux chutes dans la forêt, un petit doigt luxé et une glissade, sur un excès de confiance, dans la rivière. Je suis trempé, mais je n’en ai que faire, je suis heureux, comblé. Merci majestueux lynx pour cette rencontre.

Rhône FM

Petite interview sur la radio valaisanne qui nous relate cette belle rencontre.

PS I : A noter que toutes les images sur mon site sont prises au téléobjectif à 600mm, et donc à bonne distance du sujet respectant ainsi sa tranquillité, ce qui est primordial dans la photo animalière (le reste du temps aussi d’ailleurs :-)).

PS II : Vous me pardonnerez les fautes d’orthographe, j’ai beau relire il en reste toujours :-)

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